Vendredi 13 juin, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a publié un rapport (1) intitulée "Etude prospective sur la collecte et le tri des déchets d'emballages et de papier dans le service public de gestion des déchets". Sous ce titre anodin, le document recèle une analyse de l'impact de l'extension des consignes de tri à tous les emballages plastique.
L'Ademe juge qu'une augmentation des investissements dans les centres de tri actuels, sans révision de leur mode de fonctionnement, n'entraînerait qu'une hausse des coûts sans parvenir à atteindre les objectifs fixés. Elle préconise donc de revoir les modes d'organisation de la collecte et du tri, même s'il n'y a pas d'organisation idéale, chaque territoire ayant ses caractéristiques propres. Une chose semble sûre, la carte de France des centres de tri pourrait être chamboulée.
Les investissements ne suffiront pas
Le dispositif de collecte et de tri des emballages et des papiers fera face à des évolutions majeures d'ici 2030, notamment pour répondre à l'extension des consignes de tri à tous les emballages plastique qui deviendra "un élément structurant" du dispositif. Cependant, contrairement aux investissements réalisés initialement, il faudra tenir compte de l'existant, ce qui "[renforce] de fait le jeu des contraintes".
"Une simple adaptation tendancielle des moyens, conservant les schémas d'organisation actuels, conduirait à une hausse significative des coûts sans pour autant arriver à répondre aux différents objectifs recherchés", résume l'Ademe.
Du côté de la collecte, l'étude montre que la modification simultanée des consignes de tri, des contenants, de l'organisation de la collecte et de la tarification "[est] un gage d'une meilleure compréhension et acceptation par l'habitant et un facteur d'optimisation accrue". En revanche, du côté du tri, l'adaptation des centres de tri n'est pas suffisante, il faut plutôt envisager une nouvelle organisation basée sur les enjeux à venir.
De lourds investissements dès 2015
Premier aspect évoqué, l'importance des investissements à effectuer qui devraient être compris entre 1,2 et 1,8 milliard d'euros d'ici 2030. "À titre de comparaison, la valeur neuve du parc actuel de centre de tri français (hors foncier) est estimée à 1,5 milliard d'euros", rapporte l'Ademe, ajoutant que "le montant d'investissement correspondant à la création, au renouvellement et à l'optimisation des centres de tri est de l'ordre de 0,1 à 0,15 milliard d'euros par an sur les dernières années".
"Les montants à mobiliser pourraient être significativement plus importants les premières années, dès 2015", indique par ailleurs le rapport, laissant entendre qu'une fois ce premier cap franchi les sommes investies diminueront.
Le montant des investissements nécessaires n'est pas tout. "Une simple adaptation du parc actuel risquerait d'aboutir à des solutions d'assez court terme et des conditions d'exploitation non optimisée, alors qu'une évolution importante devrait permettre d'aboutir à une organisation ajustée aux enjeux de demain", alerte l'Agence. Mais, à ce stade, il n'existe pas "une solution unique d'organisation qui ne présenterait que des avantages et constituerait LE scénario objectif à atteindre à l'horizon 2030".
Des centres de tri plus gros, automatisés et moins nombreux
Faute de modèle idéal, l'Ademe évoque les principaux éléments structurants à prendre en compte pour organiser la collecte et le tri. Le premier est la réduction des surcoûts liés à la coexistence de plusieurs schémas de collecte en France. Ce poste représente la moitié des coûts complets (hors recettes de vente de matériaux) de gestion des déchets d'emballages et de papiers et l'Ademe préconise de regrouper certains flux de collecte similaires dans des centres de tri polyvalents.
L'Agence recommande notamment de collecter les fibreux (emballages papiers, cartons et papiers graphiques) d'une part et les non fibreux (emballages en plastique et métaux), d'autre part. La logique peut être poussée à l'extrême, avec une collecte papiers graphiques / emballages, si l'implantation des contenants est envisageable.
Au niveau du centre de tri, le document recommande "une industrialisation accrue de la fonction de tri". Celle-ci passe par "une automatisation et une augmentation de la taille moyenne des centres de tri", poursuit l'étude. Mais cela n'est pas sans impact, puisqu'une telle stratégie "devrait aboutir, à terme, à en réduire de moitié le nombre".
Pour les collectes multi-matériaux, le document recommande une organisation du tri en deux étapes : un premier tri simplifié suivi par un tri dans des unités spécialisées.
Répondre aux besoins des industriels
Enfin, l'étude pointe "des points d'attention importants" concernant la réorganisation de la collecte et du tri des déchets d'emballages. Ces points "[doivent] faire l'objet de travaux complémentaires et de décisions politiques", estime l'Agence.
Tout d'abord, il s'agit de favoriser l'élargissement des zones de collecte des centres de tri. Le renforcement de la mutualisation entre collectivités est l'une des voies possibles. Ensuite, l'Ademe recommande d'accompagner les investissements "en précisant les possibilités d'intervention financières des différents acteurs concernés".
Le troisième point concerne le service public de gestion des déchets (SPGD) (2) . Il s'agit de "préciser le niveau de tri relevant de la responsabilité du SPGD en définissant des standards adaptés pour la reprise des matériaux aux collectivités et les conditions de transfert de propriété des matériaux triés". En clair, il faudra que le SPGD ajuste ses capacités de tri pour répondre à des standards de qualité des matières en sortie de centre de tri conformes aux besoins des industriels.
D'autre part, l'Ademe suggère d'appliquer le principe de proximité afin de recycler les matières tout en créant des emplois en France. Enfin, la mise en place d'"une coordination du dispositif" devra être assurée.